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D’ancienne combattante à chef d’entreprise, ou comment reconstruire sa vie après un conflit

03 mars 2017


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© Rogers Kayihura/World Bank

À l’occasion de la Journée internationale de la femme, nous publions tout au long de la semaine une série de portraits de femmes hors du commun qui contribuent chaque jour au développement de leurs pays. Ancienne combattante d’un groupe rebelle, Béatrice est parvenue à surmonter de nombreux obstacles pour se reconstruire et fonder une famille.

KIGALI, le 7 mars 2017−L’expression du visage de Béatrice Mukankusi, pendant qu’elle nous raconte son histoire, traduit son apaisement et son sentiment d’accomplissement. Son récit commence dans les forêts denses de l’est de la République démocratique du Congo, où, adolescente, elle a été enrôlée comme apprentie infirmière par les rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) : « Là-bas, je vivais comme un animal sauvage, sans aucun espoir ni plan pour l’avenir. Je n’étais rien », se souvient-elle avec gravité. À tout juste 18 ans, alors qu’elle se bat aux côtés des rebelles infiltrés dans le nord du pays, elle est capturée par l’armée rwandaise. Elle l’ignore encore, mais ce sera une bénédiction.

Très vite, elle se retrouve dans le centre de démobilisation de Mutobo où elle suit un programme de réorientation avant sa libération, organisé par le Projet de démobilisation et de réintégration (RDPR), financé par la Banque mondiale. C’est là qu’elle acquiert les bases du métier d’entrepreneur et de la gestion des ressources. Et c’est ce programme qui, nous dit-elle, lui redonne confiance en elle et nourrit son désir profond de se mettre à son compte.


« Je me suis prouvée que je pouvais nous offrir une vie meilleure, à moi et à ma famille. Je veux profiter de cette prise de conscience et de tout ce que j’ai réalisé jusqu’ici pour continuer et, un jour, pouvoir employer des gens. J’y arriverai, j’en suis sûre.  »

Béatrice Mukankusi

Rwandaise, ancienne combattante réinsérée, mère et chef d’entreprise.

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© Rogers Kayihura/World Bank

À sa sortie du centre, en 2001, elle investit l’argent qu’elle a reçu du projet pour se réinsérer dans une activité de friperie, qu’elle lance à Gisenyi, dans la province de l’Ouest du Rwanda. Un an plus tard, elle épouse Pascal Karorero, un ancien soldat des Forces armées rwandaises, démobilisé et réinséré. Le jeune couple part s’installer dans la région d’origine de Béatrice, à Musanze, où elle poursuit son activité de friperie et, avec le soutien du RDPR, se lance aussi dans l’élevage de cochons et de moutons pour arrondir les fins de mois. « Ça a tellement bien marché que j’ai pu acheter un lopin de terre pour y construire notre première maison tout en continuant à travailler », note-t-elle avec satisfaction.

Toujours à Musanze, elle rejoint une coopérative d’anciens soldats démobilisés pour laquelle elle travaille désormais à mi-temps comme agent de sécurité. Le but est de préserver la biodiversité du parc national des Volcans, en luttant contre le braconnage et les dégradations. En tant que membre et employée de la coopérative, elle touche à la fois des dividendes et un salaire : « J’ai perdu tellement de temps à suivre les rebelles du FDRL dans la jungle, pour leur porter des médicaments et les soigner. C’est pour ça que je veux rattraper le temps perdu », s’exclame Béatrice qui est en train de construire, pour 600 000 francs rwandais, une annexe à son habitation, qu’elle compte louer.

« Je suis une mère remplie de fierté et de détermination. Je me suis prouvée que je pouvais nous offrir une vie meilleure, à moi et à ma famille. Je veux profiter de cette prise de conscience et de tout ce que j’ai réalisé jusqu’ici pour continuer et, un jour, pouvoir employer des gens. J’y arriverai, j’en suis sûre », conclut la jeune femme de 34 ans avec une résolution qui ne laisse aucun doute. Cette énergie intérieure semble n’avoir d’autre égal que celle des volcans au pied desquels elle a choisi de refaire sa vie.

Le Projet de démobilisation et de réintégration aide les autorités rwandaises à poursuivre la démobilisation de ses ressortissants enrôlés dans différents groupes armés et dans les Forces rwandaises de défense. Il entend surtout favoriser leur réinsertion, en particulier celle des femmes anciennes combattantes, des enfants et des handicapés. Entre le 1er janvier 2009 et le 31 août 2016, quelque 8 476 anciens soldats ont ainsi été démobilisés, dont 4 000 issus des Forces rwandaises de défense.


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